Annie Leuridan
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Note de travail lumière - contour progressif

Note de travail.
Le travail de la lumière des 3 soli se situe dans le prolongement d’une recherche que je considère entamée dès "Effet Papillon". Cette recherche permet d’approcher toujours au plus près une question essentielle pour ce qui concerne la fonction de la lumière quand elle quitte le domaine de l’esthétique pure pour faire sens, pour toucher au sens. Pour résumer en quelques mots ce long processus, je pourrais dire que la question essentielle est de comprendre "ce qui fait image" sur un plateau de danse.

Effet Papillon nous a fait remplacer les images figuratives d’un espace mouvant du jeu vidéo par le mouvement de la lumière que nous avons appelé traditionnelle. En effet, il nous fallait donner au plateau et aux danseuses la possibilité d’évoluer dans les différents espaces qui composent le décor du jeu vidéo et les mettre en interaction. Il nous fallait aussi donner aux spectateurs les codes - somme toute assez simples - du lieu et des intentions dans lesquelles se déroulaient les actions. Pour ce faire nous avons repris les codes du jeu vidéo : Les couleurs (vert pour la vie, rouge pour la mort, blanc froid pour les espaces vides ), les architectures spécifiques et la démultiplications des espaces. La scénographie a été un vrai support à la constitution des effets lumières. 

Pour ce qui concerne La Chair du Monde, nous nous sommes appuyées sur tout un ensemble d’images afin d’en approcher les différentes qualités. Une image vidéo, dans ce qu’elle propose au regard du spectateur n’a pas la même matière qu’une image cinématographique, pas plus qu’une image fixe qu’elle soit peinture ou photographie. Nous sommes non seulement aller convoquer la qualité de ces images dans leur texture mais aussi dans leur assemblage.  La lumière de la Chair du Monde s’appuie donc sur tout un ensemble de caractéristiques - scintillement, vibration, clignotement, respiration, ombres en mouvement. La conduite lumière ne ponctue pas les différentes séquences de danse mais s’orchestre de façon dissociée et selon le vocabulaire du montage cinématographique.  De plus un micro noir aléatoire ponctue l’ensemble du spectacle comme pour signifier nos clignement d’yeux de spectateurs. Nous avons tenté un style de lumière, tenté de faire paysage.

La lumière des soli est le prolongement de ce travail. Pourtant il ne s’agit plus de comprendre et reproduire avec des sources traditionnelles la particularité des images cinématographiques mais bien de comprendre et d’aborder ce qui "fait image" sur un plateau lorsqu’il s’agit de la rencontre des différents corps. sonore, scénique, dansant et lumineux.

3 soli -Trois dispositifs lumineux qui ont en commun des états lumineux révélant l’entièreté du plateau opposés à des effets singuliers : phosphorescence, lumière diffuse et réfléchie ou découpage par aplat d’un plein feu étal.

3 dispositifs lumineux induit par la danse.
3 dispositifs lumineux ou 3 matières lumière qui convoquent le regard du spectateur.
3 dispositifs lumineux et plastiques qui explorent le champ de la perception, celle - ci primant sur la compréhension.
3 dispositifs lumineux où la représentation prime sur la perception.

Cold Song est le fruit d’un travail exploratoire sur la phosphorescence. L’alternance de pleine lumière et de noir est organisé selon un rituel qui se désagrège au fil de la performance.  1° Le noir révèle le corps - ou partie de corps - immobilisé et phosphorescent. L’image apparait donc lorsque la lumière s’éteint.  2° L’image se compose sous la pleine lumière. Lorsque celle-ci s’éteint, l’image se déploie et se "charge de sens". 3° Puis la lumière n’a plus qu’une fonction technique, celle de recharger le tissu phosphorescent. Pourtant l’alternance du noir et de la lumière devient continuité. L’invisible est reconstitué par l’imagination.

Le Renard propose une plongée dans le noir opposée à une bande saturée de lumière rouge. Le rouge perturbe notre perception de l’espace - dans sa profondeur et son unité - elle est aussi la couleur de la chair. Du rouge matriciel pourrait-on dire ? Une séquence médiane est un plein feu blanc en lumière réfléchie : l’ombre portée en devient quasi-indistincte, renforçant une sorte d déréalisation au moment ou la danse n’est qu’une alternance de mouvement dansée et de signes de cette danse. 1° L’espace est éclairé par la réflexion de la bande rouge. Aucune autre lumière additionnelle. Le rouge trouble l’oeil, le rouge perturbe notre perception de l’espace - dans sa profondeur et son unité. 2° Le plein feu étal agit en contrepoint, donnant à découvrir un large espace composant une élégante boîte noire. Façon d’établir la réalité de l’espace scénique et de sortir de l’illusion. 3° Le retour à la lumière rouge est le support de la troisième séquence. De lentes vagues d’intensité lumière quasi-imperceptible soulignent les entrées et sorties du champ de l’interprète. Ce que le spectateur voit n’est pas la chose entière mais sa discontinuité.

Wonder propose un état lumineux de type plein feu composé par l’addition des différentes surfaces - sol/mur lointain et latéraux provenant d’une seule direction- frontale. Le plateau s’offre entièrement au regard révélant tous les aspects techniques d’un plateau - perches, pendrillons. projecteurs, câblages et filinS. On pourrait dire que l’espace de représentation théâtrale est déconstruit pendant le changement à vue opéré par le techniciens. Pourtant, la sortie de plateau qui s’effectue SUR le mur du lointain produit un renversement d’espace. La lumière n’éclaire plus que ce mur. L’ensemble des repères perspectifs s’efface alors du regard. Non seulement la danseuse est en suspension mais l’espace semble basculer. Le spectateur bascule-t-il lui aussi pour avoir une vue plongeante sur ce plateau ?

Pour confirmer cette approche, la conduite lumière ne constitue en rien une construction de type linéaire mais plutôt une série d’états lumineux qui font se télescoper différents niveaux de perception. La conduite fonctionnerait comme un photo-montage (renforcée dans Wonder par la présence d’images cinématographiques, confrontation de 2 réalités) - Il n’y a pas d’écoulement de temps au sens classique du terme.

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